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Comment faire de l'anticipation une alliée

« J’en ai marre … sur la route, entre la maison et l’écurie, j’anticipe tout ce qui pourrait mal se passer et je commence à angoisser. »

J’ai toujours trouvé assez troublantes ce genre de déclarations. Ce que je me demandais c’était pourquoi faire cela ? Pourquoi anticiper le négatif ? Pourquoi le négatif seulement ? Pour s’y préparer ? Ok, mais alors pourquoi je ne voyais justement aucune préparation ? Au contraire, dans les récits des cavaliers il n’y a que fatalité. Ils ne croient qu’en la probabilité accrue que la situation redoutée se (re)produise.  

Et pourquoi pour d’autres cavaliers vivant les mêmes choses, ce phénomène ne se produit pas ?

  1. L’anticipation qu’est-ce que c’est ?

Le cerveau est en permanence tourné vers l’avenir, et quelque part, l’anticipation est un mécanisme tout à fait normal.

« Nous sommes programmés pour anticiper l’avenir de manière à prévenir les dangers, à savoir les éviter, mais aussi pour obtenir davantage de plaisirs et de récompenses », Roland Jouvent, Chercheur & Professeur de Psychiatrie.

Si vous n’aviez pas cette capacité, vous ne pourriez pas vous adapter.

« L’anticipation n’est pas la simple tentative de prévision par laquelle nous cherchons souvent à deviner ce qui va advenir : elle comporte la préparation et déjà l’ébauche de l’action future, l’orientation par le sujet de son action présente pour diriger en sa faveur le cours ultérieur des événements. » Porot 1960

Comparez maintenant cette définition avec les déclarations des cavaliers ci-dessus, vous vous rendez compte que la prévision est bien présente, mais qu’il ne s’agit que d’une prévision des dangers et des menaces et qu’il n’y a pas de préparation à une quelconque action. Tout s’arrête très tôt. Essayons de comprendre pourquoi.

  1. Les 2 vitesses de la pensée

Vous avez peut-être entendu parler du célèbre ouvrage de Daniel Kahneman, « Système 1, système 2, les deux vitesses de la pensée. »

Selon Kanheman, nous aurions 2 systèmes de pensée. Le système 1 (que d’autres appellent le « mode automatique ») est rapide, intuitif et hérité de notre passé où il fallait répondre rapidement aux situations pour survivre. Il est notre mode de raisonnement par défaut. Il émet constamment des prévisions, des intuitions, des impressions … Il est extrêmement sensible aux mauvaises nouvelles, dangers et menaces. Et le simple appel d’un évènement négatif sera traité comme une menace.

Le système 2 (ou préfrontal), est le système du raisonnement, de la concentration, de l’attention, il fait des choix, décide. Il est beaucoup plus couteux en énergie que le système 1, et ne s’enclenche que si le système 1 n’a pas la réponse à un problème ou s’il rencontre une difficulté. Sinon, si les suggestions du système 1 sont appropriées, alors le système 2 les approuvent.

L’essentiel de ce que nous pensons se trouve donc dans le système 1.

Le seul problème, c’est que ce dernier, comme l’a montré ce cher Daniel, est constitué de raccourcis mentaux qui « réduisent le nombre d’informations pertinentes à considérer et qui n’impliquent pas l’ensemble des processus rationnels qui devraient être impliqués dans un raisonnement analytique global. »

  1. Des cavaliers qui se limitent au système 1

Le système 1 fonctionne sur le principe de l’activation associative. Des idées ayant été évoquées en déclenchent beaucoup d’autres, dans une cascade exponentielle d’activité cérébrale. Et tout cela nous semble très cohérent. Chaque élément lié à un autre, soutient et renforce les autres. Un mot évoque des souvenirs qui évoquent des émotions qui entraînent des réactions comportementales. Et dans une logique d’auto renforcement : le comportement renforce l’émotion et l’émotion renforce les idées afférentes.

Prenons un exemple : imaginez que votre cheval, en extérieur, fasse un écart violent suivi de quelques cabrioles au moment où il passe à côté d’un champ où paissent des dizaines de moutons. Surpris par ce mouvement, vous manquez de tomber, et vous vous en tirez avec une grosse frayeur.

Si vous devez ressortir en extérieur, votre cerveau va mettre en marche ce dispositif associatif et va rechercher des preuves et des exemples qui viendront corroborer la vraisemblance que cet évènement risque de se reproduire. Le scénario proposé vous semblera tout à fait logique et cohérent. Toujours d’après Kanheman « votre jugement de probabilité est déterminé par le degré d’aisance cognitive avec lequel vous parvenez à un scénario plausible ». Et dès que vous vous dites « oui, c’est possible », il devient alors extrêmement difficile de faire une vérification logique. Et voilà le cœur du problème.

  1. Des cavaliers qui font l’effort de solliciter le système 2

Les cavaliers pour qui cet écart n’aura pas d’incidence particulière sont ceux qui vont solliciter le système 2 pour produire une « anticipation active ». Forts de cette expérience passée, ces cavaliers vont donc s’adapter et mettre en place une stratégie pour qu’elle ne se reproduise pas. Ils sont, en quelque sorte orientés « solution ».

Olivier Houdé, rajoute un 3ème système à ceux de Kanheman : le système d’inhibition qui permettrait d’interrompre le premier pour solliciter le deuxième quand son utilisation est plus appropriée. Ce système est sous notre volonté. C’est à chacun de décider de mettre en place une stratégie, de décider de « faire » quelque chose.

Car l’écart qui a eu lieu n’est qu’un évènement parmi d’autres, qui n’a pas à se reproduire si on met en place les bonnes actions, si on prend le temps de réfléchir à ce qu’il faut faire pour gérer cette situation.

  1. Faut-il chercher à ne plus anticiper ?

Chercher à ne plus anticiper reviendrait donc à entraîner son cerveau à rester dans le moment présent, au moyen de techniques de méditation bien maîtrisées et d’accès à la pleine conscience. Si cela est possible quelques minutes, une fois l’exercice achevé, vous allez inévitablement sentir que votre attention repart vers le futur. Lutter contre le besoin naturel d’anticipation est coûteux en énergie psychique et générateur de stress car vous luttez également contre le besoin naturel de vous protéger d’un éventuel danger.

Mais, maintenant vous savez que ce n’est pas l’anticipation le problème. Le problème c’est de rester bloqué dans votre système 1. Alors c’est là-dessus que vos efforts doivent porter.

Quand vous anticipez une situation, rappelez-vous que c’est votre système 1 qui est en marche. Prenez alors la décision de demander au système 2 de venir vous aider. Demandez-vous alors ce que vous pouvez faire pour exercer un certain contrôle sur cette situation. Et surtout : REPONDEZ-Y.

Et si vous n’y parvenez pas tout seul, je suis là pour vous aider à avancer et à retrouver le lien.